Les villes
Le sacrifice des Normands pour la libération de la France
La bataille de Normandie se déroula presque entièrement sur les trois départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne. Récemment, le chiffre des victimes civiles de la libération de la Basse-Normandie a pu être estimé par les chercheurs à environ 13900 (1). Ensevelis sous les décombres de leurs maisons, blessés ou tués alors qu’ils se trouvaient malgré eux au cœur des combats, exécutés par l’occupant en représailles… Pour les Normands, les souffrances furent à la mesure de l’immense espoir de libération.
Les destructions les plus importantes eurent lieu pendant les deux premiers jours du Débarquement ; bombardements américains de jour, puis britanniques de nuit sur les villes causèrent la mort de 2200 normands le 6 juin, puis de 1600 le 7 juin. La lenteur initiale de la progression des Forces alliées, piégées dans le bocage, et la résistance allemande dans certains secteurs stratégiques, incitèrent les Anglo américains à utiliser d’énormes moyens de destructions pour accélérer l’issue des combats. Les villes où étaient situés des carrefours routiers ou noeuds ferroviaires importants, susceptibles de servir de voies d’acheminement aux renforts allemands furent écrasées sous les bombes. A Evrecy, dans la nuit du 14 au 15 juin, près du tiers des habitants périt sous les bombardements, Aunay-sur-Odon fut entièrement rasé à l’exception de son clocher, 200 personnes furent ensevelis sous les décombres, 2000 tués à Caen… Les bombardements aériens furent responsables de plus de la moitié des victimes.
En 2004, lors du 60e anniversaire de la bataille de Normandie, le vécu des populations civiles et la transmission de la mémoire furent au cœur de nombreux événements (2). Avec le 70e anniversaire vient sans doute l’ère de la réconciliation franco-allemande, inaugurée début avril 2014 au Mémorial de Caen. Les témoins, militaires et civils, disparaissent peu à peu, l’Espace historique est devenu un vecteur essentiel de transmission de la mémoire collective, et plus particulièrement en direction des jeunes générations. A Paris, le 4 juin 2004, lors d’une conférence sur la mémoire et les enjeux du 60e anniversaire du Débarquement (3), le général Bresse, alors directeur du musée de l’Armée, soulignait que dans la trilogie des acteurs de la commémoration, il y a les historiens, les politiques, et les témoins/acteurs, dépositaires d’une parcelle de vérité individuelle. Car l’enjeu est essentiel, tout comme la guerre de 1914-1918 dont on a célébré il y a peu le 100e anniversaire du commencement, la 2e Guerre mondiale devient à son tour un conflit du « siècle dernier ».
Philippe Corvé Webmaster de www.normandie44lamemoire.com
(1) Le Centre de Recherche d’Histoire Quantitative de l’Université de Caen Basse-Normandie a recensé 13900 victimes, du 1er avril au 30 septembre 1944, dans la population civile des départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne.
(2) Notamment les « Veillées du 60e », organisées par le quotidien Ouest France, la radio France Bleu et le Mémorial de Caen, et le discours de Madame Nicole Guedj, alors Secrétaire d’état aux droits des victimes, en hommage aux victimes civiles, le 7 juin 2004 à Saint-Lô.
(3) Juin 2004, Paris, Musée de l’Armée, conférence sur la mémoire et les enjeux du 60e anniversaire du Débarquement.
Vous avez tout à fait raison, les hommes n’attendent pas les gouvernements pour se réconcilier, mon propos est plutôt de souligner ce décalage dans les commémorations du Débarquement et de la bataille de Normandie. C’est en 2004, qu’un chancelier allemand fut invité pour la première fois aux commémorations. Le 6 juin 2014, la chancelière Angela Merkel, accompagnée du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et entourée de quatre jeunes Allemands et Français, a déposé deux gerbes au cimetière britannique de Ranville : la première en hommage à l’ensemble des combattants, la seconde a été déposée sur la tombe d’un soldat allemand inconnu.
Bonjour,
Extrait de votre texte.
« Avec le 70e anniversaire vient sans doute l’ère de la réconciliation franco-allemande, inaugurée début avril 2014 au Mémorial de Caen. »
Nombreux sont les témoignages d’anciens combattants, à mon avis pourtant les plus légitimement enclins, à conserver animosité, rancœur et tout sentiment haineux exacerbé pendant les combats, à avoir opérés cette réconciliation. Ennemis d’hier, sans attendre les cérémonies officielles et loin des caméras, beaucoup s’étaient depuis longtemps réconciliés et avaient tissés de forts liens d’amitié.
Témoins et amateurs d’histoire ont également depuis longtemps, même s’il faut admettre quelques irrémédiables égarés dans la haine, appris à comprendre l’autre ou tout du moins essayé ce qui est en soit un rapprochement. Je ne crois donc pas que la réconciliation Franco-Allemande ait attendu 2014 et ses commémorations pour se faire, et encore moins un signal officiel. Une telle réconciliation annoncée et programmée, ne peut alors plus que concerner des ignorants ou des indifférents, tous les autres ayant depuis longtemps entamé cette humaine démarche.