De Cherbourg à Grimesnil, au cœur de la poche de Roncey

Témoignage Grimesnil image2

La Libération reste gravée dans la mémoire des Normands. Certains se retrouvèrent malgré eux en plein milieu des combats, la mort frappant aveuglément soldats et civils, adultes et enfants. Ce fut le sort de Georges Vastel, âgé de neuf ans en 1944, ainsi que de sa famille, qui vécurent les combats des forces allemandes tentant d’échapper à l’encerclement dans la poche de Roncey, fin juillet 1944. Tous les droits de l’auteur des textes sont réservés. Toute reproduction ou utilisation des oeuvres, autre que privée ou à fin de consultation individuelle sont interdites, sauf autorisation.(English version, click on the flag)

Je rejoignis mes grands-parents maternels, qui étaient déjà réfugiés à Canisy
Après l’invasion de la zone libre par les Allemands et le sabordage de la flotte (1) – mon père travaillait à l’arsenal de Toulon -, nous remontâmes sur Cherbourg, je ne sais pas exactement quand. Le port était soumis à d’importants bombardements. Lors d’une course en ville, alors que mon frère et moi accompagnions ma mère, l’alerte sonna et nous courûmes nous réfugier dans l’entrée d’une maison. De ce fait, les autorités décrétèrent que les enfants au-dessus d’un certain âge devaient être évacués. J’avais sept ans, mon frère, trop jeune, resta à Cherbourg avec mes parents.
Je rejoignis mes grands-parents maternels, qui étaient déjà réfugiés à Canisy, à sept kilomètres de Saint-Lô à vol d’oiseau, dans un lieu-dit dénommé La Vannerie. Mon oncle Édouard, frère de ma mère, était gendarme en poste à Canisy et vivait aussi avec sa femme Marie et mes cousins Gérard, Jeannine et Jean. Mes grands-parents vivaient dans un appartement inclus dans un grand corps de ferme, entouré de bâtiments d’exploitation tous inutilisés, dont un pressoir. Au rez-de-chaussée, se trouvait une salle commune avec une grande table et un fourneau. À l’étage, il y avait deux chambres, celle de mes grands-parents et la mienne. Dans cette chambre, la nuit, en entendant les avions alliés vrombir dans le ciel, je pensais à ma famille restée à Cherbourg et j’étais angoissé à l’idée qu’ils périssent sous les bombes. J’allais à l’école du village, soit en empruntant la route, soit en passant à travers champs. Plusieurs classes étaient groupées dans une grande salle d’école, sous la férule d’un même maître. Il y avait pénurie d’encre, nous remplissions nos cahiers avec de l’encre rouge provenant de la réserve personnelle de l’instituteur.
Dans ce hameau de La Vannerie, il y avait une ferme tenue par une famille Osmond, dont une fille, prénommée Aline, me semblait très belle. Monsieur et Madame Osmond m’emmenèrent un jour au marché dans leur voiture à cheval, munie d’une capote, et j’en fus très fier ; j’entends encore les sabots du cheval claquer sur le bitume. Je me souviens des moissons et des foins ; tout était coupé à la faux, puis rassemblé en bottes par des botteleurs-lieurs, une spécialité professionnelle qui demandait habileté et rapidité. On cassait la croûte dans le champ en buvant du cidre contenu dans des topettes de terre. Le soir, c’était le retour vers la ferme, avec nous, les enfants, juchés sur les bottes qui remplissaient les charrettes. Faute de carburant pour faire fonctionner une batteuse, j’ai vu battre les épis au fléau sur une bâche disposée à même le sol de la cour. Après avoir trait les vaches dans les champs, les femmes rapportaient le lait à la ferme dans deux seaux suspendus à un joug en bois, appuyé sur leurs épaules.

Le mardi 6 juin, nous avons vu le déchaînement de l’aviation alliée dans le ciel
Les avions alliés dans le ciel étaient de plus en plus nombreux. Pour tromper les radars allemands, ils jetaient de fines bandelettes d’aluminium que nous, les enfants, nous empressions de recueillir dans les champs où elles étaient tombées, pour en faire quoi ? Mystère. Le débarquement approchait. Entretemps ma mère et mon frère nous avaient rejoints. Mon père était venu nous rendre visite le week-end précédant le 6 juin, il ne put rejoindre Cherbourg pour y reprendre son travail, la voie ferrée ayant été bombardée. La recrudescence des bombardements alentour laissait présager l’imminence d’un événement d’ampleur ; les hommes du hameau creusèrent dans un champ voisin un abri, une profonde tranchée avec une banquette où s’assirent les adultes. Je me souviens avoir dormi aux pieds de ma mère, allongé sur de la paille. Bien qu’ayant participé activement à la construction de l’abri, mon père passa sa nuit à l’air libre, sous un pommier.
Le mardi 6 juin, nous avons vu le déchainement de l’aviation alliée dans le ciel : chasseurs, chasseurs-bombardiers en escadrons serrés, forteresses volantes au-dessus de Saint-Lô dans les lueurs d’incendie. J’ai le souvenir distinct d’une forteresse volante en flammes tombant à l’horizon. Ce qui me frappa, c’est la lenteur avec laquelle elle descendit, plutôt comme une plume que comme une pierre.
Mon père avait encore sa grosse TSF sur laquelle il écoutait la BBC : « Ici Londres, les Français parlent aux Français ». Il avait affiché, sur le mur de la salle commune, une carte de l’Europe sur laquelle il marquait les fronts. La nouvelle du Débarquement fut donc immédiatement connue. Très rapidement, les Allemands ordonnèrent la confiscation de tous les postes de radio et mon père dut, la mort dans l’âme, déposer le sien à la Mairie. Il ne le revit jamais.
À partir de ce moment, la ferme où nous étions fut le lieu d’un bivouac pour les détachements allemands qui montaient au front ; nous étions à une cinquantaine de kilomètres d’Omaha Beach. Les bâtiments d’exploitation vides leur servaient d’hébergement et d’écuries ; l’armée allemande utilisait encore beaucoup de chevaux de trait. Un jour, un détachement arriva avec une ou plusieurs taies d’oreiller remplies de côtelettes crues. Son chef donna l’ordre à ma mère de les faire frire, la bande s’installa autour de notre table pour les déguster. Je revois ma mère, la poêle à la main, jetant des regards noirs vers la table où les soldats faisaient sauter mon petit frère – à la blondeur germanique -sur leurs genoux.

Gare de Canisy dans les années 40

Gare de Canisy dans les années 40

Une autre fois, deux soldats arrivèrent, un homme mûr et un jeune. Ce dernier, peut-être sous l’emprise de la peur d’aller vers les combats, était comme fou. Il inspecta nos pauvres biens, s’empara des pantoufles de mon grand-père et d’un morceau de savon. Ma grand-mère, qui cuisait un gigot au four, de crainte qu’il s’en empare, l’en extrait et s’enfuit avec son plat. Dans son excitation, il se mit en tête de rassembler tous les hommes du hameau. Son compagnon qui réussit enfin à le calmer était un Autrichien qui parlait français. Dans l’embrasure de la porte d’entrée, il échangea avec mon père, lui montra des photos de sa famille ; il avait les larmes aux yeux.
Il y avait, parmi les troupes allemandes, des soldats recrutés en Russie d’Asie. On les appelait Mongols. Ils étaient très portés sur l’alcool. Un jour, ma tante Marie fut surprise d’en trouver un chez elle qui sifflait une bouteille d’eau de Cologne. Un soir, étant envoyé à la pompe située dans la cour pour y puiser de l’eau, je vis arriver un de ces Mongols y amenant un cheval pour l’abreuver. C’était un cheval géant et son maître arborait une physionomie si farouche, ornée de moustaches tombantes, que je me mis à hurler.
Pendant que les allemands montaient au front, les civils s’en éloignaient. C’est ainsi que je vis passer un cortège effrayant : des pensionnaires féminines de l’hôpital psychiatrique de Saint-Lô, escortées par les sœurs du Bon-Sauveur, traversaient Canisy fin juin ou début juillet ; des femmes en chemise de nuit, certaines portant des camisoles de force, la plupart âgées, aux cheveux gris ou blancs, longs et pendants. Depuis ce jour, je ne puis voir sans frissonner une vieille femme aux cheveux blancs et trop longs.

La porte donnant sur la cour s’ouvrit brusquement et nous vîmes un GI, fusil à la main et casque couvert de feuillage
Lentement le front se rapprochait de Canisy, la canonnade se faisait plus intense. Mes parents décidèrent de s’en éloigner en rejoignant mes grands-parents paternels, qui étaient réfugiés à Grimesnil, situé à vingt-deux kilomètres de Canisy. Nous prîmes donc la route (début juillet ?), mon petit frère Maurice sur sa poussette, mes parents et moi à pied, sous un ciel sans cesse parcouru par les avions alliés. J’avais alors neuf ans. Le risque était que passe un convoi allemand, ou même un seul véhicule, que les chasseurs n’auraient pas hésité à mitrailler. Cela n’arriva pas et nous nous installâmes dans un bâtiment de la ferme tenue par Monsieur Jamtel, à l’angle de la D302 et de la D49, au lieu-dit La forge Criquet. Il ne restait plus qu’une chambre libre, que mon père aménagea pour nous coucher tous les quatre. Je dormais dans un hamac improvisé qu’il avait suspendu au plafond, au-dessus du pied du lit conjugal.
C’est à Grimesnil que le Front nous rattrapa. Pour en finir avec le quasi-piétinement, les Alliés décidèrent de frapper fort : ce fut le grand bombardement, autrement dit l’opération Cobra. À environ vingt kilomètres du lieu où nous étions, le long de la route Périers-Saint-Lô, le matin du 25 juillet, 4700 tonnes de bombes furent lancées par près de 2500 bombardiers et chasseurs-bombardiers, le tout sur un rectangle de trois kilomètres carrés. Je dois avouer n’avoir aucun souvenir de cet événement qui dut pourtant s’entendre à Grimesnil. Ce fut le début de la percée de Normandie, la Breakthrough. Six jours après, les Américains arrivèrent à Grimesnil. Le matin du 30 ou du 31 juillet, regardant la route par la fenêtre de la chambre à l’étage, j’aperçus un soldat allemand à plat ventre dans le fossé d’en face, une mitrailleuse ou un fusil-mitrailleur devant lui. Je descendis le dire à mes parents, mais ils devaient déjà avoir compris, au bruit, que la bataille se rapprochait. Les hommes garnirent les embrasures des fenêtres et des portes qui donnaient sur la route avec des ballots de linge, maigre protection ! Toute la famille, mes grands-parents, mes parents, mon frère et moi, se tapit sous l’escalier menant à l’étage. Très rapidement, le fracas des armes devint assourdissant et effrayant. Saisi de terreur, je pleurais bruyamment, tandis que mon frère chantonnait : « Ne m’oublie pas quand tu seras bien loin de moi …. ». (2) Je ne saurais dire combien de temps cela a duré avant qu’apparaisse le premier Américain. La porte donnant sur la cour s’ouvrit brusquement et nous vîmes un GI, fusil à la main et casque couvert de feuillage, qui après n’avoir trouvé que des civils, leur fit signe de la main de rester tranquille là où ils étaient. Quand les tirs cessèrent, nous pûmes aller au bord de la route voir passer nos libérateurs et applaudir chars et fantassins. (3)

31st of July 1944 – D49 La Coucourie, American soldiers examine some destroyed German armoured vehicles (Source : National Archives USA)

31 juillet 1944 – D49 La Coucourie, des soldats américains examinent des blindés allemands détruits (Source : National Archives USA)

Ces derniers avaient sur l’embout du canon de leur fusil quelque chose de blanc qui m’intriguait. J’en demandai la raison à mes parents qui me parurent très gênés et ne surent quoi répondre. Je sus plus tard qu’il s’agissait de préservatifs, placés là pour protéger de la poussière l’âme de leur fusil. Avoir un fusil en parfait état de propreté était de première importance pour un soldat.
Ma mère avait fait une lessive avant le début de la bataille et m’avait demandé de l’aider à l’étendre. Le fil était sur le côté de la cour, devant un grand empilement de fagots. À deux pas, plusieurs GI étaient morts, allongés côte à côte. Le plus surprenant était qu’ils avaient des cigarettes enfoncées dans les narines et les oreilles ; jamais personne ne put m’en dire la raison. Mon hypothèse fut la suivante : on était en plein été, les insectes volants ou rampants proliféraient, et l’idée qu’ils puissent pénétrer à l’intérieur des corps devait être insupportable à leurs camarades.
Nous pensions être définitivement libérés. Les allemands, battus sur la route, s’étaient repliés dans la campagne alentour et se livraient à des opérations de guérilla, aidés par la configuration du bocage : des champs séparés entre eux par des chemins et d’énormes haies de plusieurs mètres d’épaisseur à la base, qui formaient de puissants retranchements.
La situation dans la ferme Jamtel devait devenir dangereuse, car nous émigrâmes dans une autre ferme à l’écart de la route, tenue par une femme dont le mari était prisonnier. Nous fumes rejoints par mes grands-parents maternels ainsi que par mon oncle Pierre et sa famille, qui étaient aussi réfugiés à Grimesnil. (4) J’ignore combien de temps nous y séjournâmes. Les américains nettoyaient le bocage autour de nous. Un soir, mon père observait les alentours par une fenêtre du premier étage, un GI aux aguets dans un arbre le repéra et lui décocha une balle ; celle-ci passa à quelques centimètres de sa tête, arrachant un éclat de bois à l’encadrement de la fenêtre.
Un matin, une escouade de jeunes GI fit halte dans la cour de la ferme pour s’y restaurer. Ils mirent une grosse boîte de conserve sur un petit réchaud. Adultes et enfants, nous étions assis autour d’eux. Ce fut notre premier contact réel. Ils nous donnèrent des biscuits et des cigarettes. Ma grand-mère paternelle n’osa pas refuser et ce fut la seule fois où je la vis une cigarette allumée à la main. L’un d’entre eux nous fit un tour de magie : il enfonça une cigarette dans une oreille et la ressortit par l’autre ; tour que je sais maintenant très simple à exécuter, mais qui alors nous émerveilla. À part ce que pouvait fournir la ferme, la nourriture était rare. Pas de pain, qu’on remplaçait par des radis. Les hommes qui s’y connaissaient un peu allaient découper des biftecks sur les vaches tuées par la fusillade. Un soir, à la nuit tombée, on frappa à la porte ; c’était un groupe d’Allemands qui erraient depuis plusieurs jours dans les champs en se nourrissant de pommes, et qui demandèrent à manger. C’était des hommes mûrs, manifestement à bout de force. Mon père échangea avec celui qui semblait être leur chef, et l’encouragea à se rendre, en lui disant qu’il n’y avait plus rien à espérer. Je ne sais pas comment mon père apprit par la suite qu’ils avaient suivi son conseil.
Était-ce le même soir, je ne sais, après le départ de ces Allemands, les Américains, soupçonnant que la ferme abritait des Allemands, se mirent à tirer vers elle. Je vois encore mon père et mes oncles attacher un linge blanc au bout d’un manche à balai et le passer à travers l’imposte de la porte d’entrée, en brisant la vitre, pour mettre fin à l’assaut. Cela marqua la fin des combats. Après, dans la maison qu’occupaient les Allemands dans le village, eut lieu le «pillage» par la population de ce qu’ils avaient abandonné : des bouteilles de cognac et des boîtes de sardines portant la marque de la Wehrmacht, des sacs à dos, des musettes… Puis ce fut le retour vers Cherbourg, transportés dans des GMC (camions bâchés à ridelles) de l’armée américaine, avec des étapes nocturnes dans des salles communales, où on «dormait sur la dure».

(1) Les troupes allemandes et italiennes envahissent la zone libre le 11 novembre 1942, la flotte française est sabordée le 27 novembre dans le port de Toulon
(2) Chanson datée de 1935, interprétée par Marcelle Bordas
(3) 2nd US Armored Division Hell on wheels
(4) Pendant les combats, mes grands-parents maternels s’étaient abrités dans une grange aux murs en torchis ; un obus traversa un mur sans exploser, faisant un grand trou. Mon grand-père voulut en sortir pour surveiller un ragoût de lapin qu’il avait mis à mijoter, mais un GI le saisit par le col pour le ramener à l’abri.

I rejoined my maternal grand parents, who were already refugees at Canisy. After the invasion of the free zone by the Germans and the scuttling of the fleet (1) – my father was working at the arsenal in Toulon -, we went back to Cherbourg, I don’t remember exactly when. The port endured important bombings. During some shopping in town, while my brother and I accompanied my mother, an alert rang out and we ran to take refuge in the doorway of a house. From then on, the authorities decreed that all children above a certain age should be evacuated. I was seven years old, my brother, too young, stayed in Cherbourg with my parents. I rejoined my maternal grand parents, who were already refugees at Canisy, which as the crow flies, was seven kilometres from Saint Lô, in a place called La Vannerie. My uncle Edouard, my mother’s brother, was a gendarme posted at Canisy living also with his wife Marie and my cousins Gérard, Jeannine and Jean. My grand parents lived in a flat within a large farmhouse, surrounded by farm operating buildings all unused, including a press. On the ground floor, there was a common room with a large table and a stove. Upstairs, there were two bedrooms, my grand parent’s room and mine. In that bedroom, during the night, one could hear the allied planes droning in the sky, I thought of my family in Cherbourg and I was worried at the idea that they could perish under the bombings. I went to the local village school, either by the road, or across the fields. Several classes were grouped within a big school hall, under rule of the same teacher. There was an ink shortage, we wrote on our notebooks with red ink coming from the teacher’s personnel reserve. In the Vannerie hamlet, there was a farm owned by the Osmond family, including a girl, called Aline, whom I found very pretty. Mister and Madame Osmond took me to market one day in their horse and carriage, with a soft hood, I was very proud; I can still hear the horse’s hooves clip-clopping on the road. I remember the harvests and the hay; everything was cut with a scythe, then bunched and tied together by the binders, a profession which needed skill and speed. We had lunch in the field drinking cider from earthenware jugs. In the evening, it was time to return to the farm, with us, the children, sitting on top of the wreaths which filled the carts. Having no carburant to operate the threshing machine, I saw the wheat ears being beaten with flails on a tarpaulin spread out on the ground in the courtyard. After milking the cows in the fields, the women brought the milk back to the farm in buckets suspended on wooden yokes, on their shoulders.

Tuesday 6th of June, in the sky we saw the fury of the allied aviation. The allied planes in the sky were more and more numerous. To deceive the German radars, they dropped thin strips of aluminium which us children, hastened to collect in the fields where they landed, to do what ? Mystery. The D-Day landings approached. In the meantime my mother and my brother had joined us. My father came to see us the week before the 6th of June, he could not get back to his work at Cherbourg, because the railway had been bombarded. The recrudescence of the bombings around the area foreshadowed the imminence of a big event; the local men dug a deep trench in a nearby field, with a bench inside where the adults could sit down. I remember sleeping at my mother’s feet lying on the straw. Although he had participated actively on the construction of the shelter, my father passed the night outside under an apple tree. The Tuesday 6th of June, we saw in the sky the fury of the allied aviation: fighters, fighter-bombers in tight squadrons, flying fortresses above Saint Lô in the glow of the fires. I have the distinct souvenir of a flying fortress in flames falling towards the horizon. What impressed me, was how slow it descended, more like a feather than a stone. My father still had his big radio set with which he listened to the BBC: “Ici Londres, the French speak to the French”. He had posted upon the wall of the common room, a map of Europe on which he indicated the fronts. The news of the D-Day landings was immediately known. Very rapidly, the Germans ordered the confiscation of all the radio sets and my father had to, very sorrowfully, take his to the town hall, he never saw it again. From that moment on, the farm where we were became a bivouac for the German detachments that went up to the front; we were about fifty kilometres from Omaha Beach. The empty farm buildings served as accommodation and stables for them; the German army still used a lot of draft horses. One day, a detachment arrived with one or more pillowcases filled with raw chops. Its superior gave orders to my mother to fry them; the men installed themselves around the table to taste them. I can see my mother, the frying pan in her hand, giving black looks towards the table where the soldiers bounced my little brother – who was of Germanic blondeness – upon their knees.

Gare de Canisy dans les années 40

Canisy Station during the 40’s

Another time, two soldiers arrived, an older man and a younger one. This last one, perhaps by fear to go into battle, was like crazy. He inspected all our poor belongings, he took my grandfathers slippers and a piece of soap. My grandmother who was cooking a leg of lamb in the oven, worried that he may seize it, she took it out and ran away with her dish. In his excitement, he got into his head to assemble all the men from the hamlet. His companion, who managed finally to calm him down, was an Austrian who spoke French. Standing in the doorway, he talked with my father, showing him some photos of his family; he had tears in his eyes. Amongst the German troops, there were soldiers recruited from eastern Russia. We called them Mongols. They were very fond of alcohol. One day, my auntie Marie was surprised to find one of them in her house drinking a bottle of eau de Cologne. One evening, being sent to the pump in the courtyard to fetch some water, I saw coming one of those Mongols bringing a horse to drink. It was a giant of a horse and its master looked so fierce with big drooping moustaches, that I started screaming. While the Germans went up towards the front, the civilians were moving away from it. That’s when I saw passing a scary procession: the female residents of the psychiatric hospital of Saint Lô, escorted by the sisters of the Bon-Sauveur, traversed Canisy end of June beginning of July; women in nightgowns, some wearing straightjackets, most of them elderly, with grey or white hair, long and hanging. Since that day, I cannot see without a shudder an elderly lady with very long white hair.

The door into the courtyard opened abruptly and we saw a GI, gun in hand and his helmet covered with branches.Slowly the front approached Canisy, the gunfire was more intense. My parents decided to move away in joining our paternal grand parents, who were refugees in Grimesnil, situated at twenty two kilometres from Canisy. We took to the road (beginning of July ?), my little brother Maurice in his pushchair, my parents and I by foot, under a sky filled incessantly by allied aircraft. I was nine years old. The risk was that we passed by a German convoy, or even one vehicle, that the fighters would not hesitate to strafe. That did not happen and we settled down inside a farm building held by Mister Jamtel, at the angle of the D302 and the D49, at a place called La Forge Criquet. There was only one unoccupied room left, which my father arranged to enable us four to sleep. I slept in an improvised hammock which he had hooked onto the ceiling, above the foot of the parent’s bed. It was at Grimesnil that the Front caught up with us. To put a stop to being stuck on the spot, the Allies decided to hit hard: it was the big bombing, in other words the Operation Cobra. At about twenty kilometres from where we were, along the Periers – Saint Lô road, on the morning of the 25th of July, 4700 tons of bombs were dropped by nearly 2500 bombers and fighter-bombers, all in a rectangle of three square kilometres. I must admit that I have no souvenir of this event which must have been heard at Grimesnil. It was the beginning of the Normandy breakthrough, the Breakthrough. Six days afterwards, the Americans arrived at Grimesnil; The morning of the 30th or 31st of July, looking down the road from the first floor bedroom window, I saw a German soldier on his belly in the ditch opposite us, with a machine gun or a sub-machine gun in front of him. I went downstairs to tell my parents, but they had already understood, by the noise, that the battle was getting closer. The men garnished the windows and the doors leading towards the road with bundles of laundry, a meager protection ! The whole family, my grand parents, my parents, my brother and me, crouched under the staircase leading upstairs. Very quickly, the roar of the guns became frightening and deafening. Seized with terror, I cried quite loudly, while my brother sang : “Do not forget me when you are far from me….”. (2) I cannot say how long it lasted before the first American appeared. The door into the courtyard opened abruptly and we saw a GI, gun in hand and his helmet covered with branches, who after only finding civilians, gave a sign with his hand, to remain quiet where they were. When the firing ceased, we were able to go onto the roadside to see our liberators go by and applaud the tanks and infantrymen. (3)

31st of July 1944 – D49 La Coucourie, American soldiers examine some destroyed German armoured vehicles (Source : National Archives USA)

31 juillet 1944 – D49 La Coucourie, des soldats américains examinent des blindés allemands détruits (Source : National Archives USA)

They had something white on the end of their rifle muzzle which intrigued me. I ask the reason for this from my parents who seemed very embarrassed and did not know what to say. I found out later that they were condoms, put there to protect their rifle barrels from dust. To have a rifle clean and in perfect condition was of primordial importance for a soldier. My mother did some washing before the beginning of the battle and asked me to help her hang it out to dry. The washing line was on the side of the courtyard, in front of the pile of fagots. Two steps away were several dead GI’s lying alongside each other. The most surprising thing was that they had cigarettes pushed up their noses and in their ears; nobody could ever tell me why. My hypothesis was the following: we were in the middle of the summer, the flying and creeping insects proliferated, and the idea that they could penetrate inside the bodies was unsupportable for their comrades. We thought that we were definitely and once and for all liberated. The Germans beaten back on the road, had retreated into the surrounding county side and engaged themselves into some guerrilla operations, helped by the bocage configuration: the fields separated by lanes and enormous hedges being several meters thick at their base, which formed powerful entrenchments. The situation in the Jamtel farm was becoming dangerous, so we migrated to another farm further away from the road, held by a lady whose husband was a prisoner. We were rejoined by our maternal grand parents and by my uncle Pierre and his family, who were also refugees at Grimesnil. (4) I do not know how long we stayed there. The Americans cleared up the bocage around us. One evening, my father observed the surroundings from a window on the first floor, an alert GI in a tree, spotted him, and fired at him; the bullet passed at only a few centimetres from his head, and tore off a lump of wood from the window frame. One morning, a squadron of young GI’s stopped in the farmyard to eat. They put a big tin can onto a small stove. Adults and children, we were all sitting around them. This was our first real contact. They gave us some biscuits and cigarettes. My paternal grand mother did not dare to refuse and that was the only time I ever saw her with a lighted cigarette in her hand. One of them showed us a magic trick: he pushed a cigarette into one ear and made it come out of the other; a trick that I know now is very simple to do, but then it amazed us. Apart from what the farm could provide, food was rare. No bread, this was replaced with radishes. Some men who new a little about it, went to cut off some steaks from the cows killed during the battle; One evening, at nightfall, someone knocked at the door; it was a group of Germans who had roamed about for several days in the fields eating apples, and asked us for something to eat. They were mature men, obviously at the end of their tether. My father spoke to the one who seemed to be their superior, and encouraged him to give himself up, saying that there was no hope left. I do not know how my father found out if they had followed his advice. Was it the same evening, I don’t know, but after the departure of these Germans, the Americans, suspecting that the farm harboured Germans, started to fire towards it. I can still see my father and my uncles attaching some white linen onto a broomstick and pushing it through the front door breaking the window, trying to put an end to the attack. That marked the end of the fighting. After, the house which was occupied by the Germans in the village, was “looted” by the population who took everything they had left behind: bottles of cognac, tins of sardines bearing the mark of the Wehrmacht, rucksacks, haversacks… Then it was the return trip back to Cherbourg, transported by GMC’s (covered trucks with sideboards) of the American Army, with nightly halts in community halls, where we “slept on the floor”.

(1) The German and Italian troops invaded the free zone on the 11th of November 1942, the French fleet was scuttled on the 27th of November in the port of Toulon. (2) Song dated 1935, interpreted by Marcelle Bordas. (3) 2nd US Armoured Division Hell on Wheels. (4) During the battle, my maternal grand parents were sheltered inside a barn made with mud walls ; a shell transpierced a wall without exploding, making a big hole. My grand father wanted to come out to keep an eye on a rabbit stew that he had left on the stove to simmer, but a GI grabbed him by the collar to take him back into shelter.