One of the Big Red One, John F. Mickey, un homme ordinaire
John F. Mickey était américain, il avait trente-cinq ans en 1944 et vivait dans le Michigan. Il s’engagea en septembre 1943, pensant qu’il pouvait être « utile » dans cette guerre. Au moment de son engagement il n’imaginait pas ce qui l’attendait : la séparation de ceux qu’on aime, l’horreur de la guerre, et même la faim et la soif. Tout au long des combats il prit des notes, et bien des années plus tard il entreprit de rédiger une soixantaine de feuillets. John F. Mickey est décédé en 1989. Avec l’autorisation de son fils, ce sont ses mémoires qui sont retranscrites ici. C’est l’expérience d’un homme « ordinaire » qui croyait en certaines valeurs humaines, et qui les défendit dans les rangs de la Big Red One, des plages de Normandie jusqu’à la forêt de Hurtgen, en Allemagne, où il fut blessé. (Mémoires de John F. Mickey – 1944/1945) (merci à Stan) Tous les droits de l’auteur des textes et des photographies sont réservés. Toute reproduction ou utilisation des œuvres, autre que privée ou à fin de consultation individuelle sont interdites, sauf autorisation.
Le lecteur ne doit pas se faire une idée fausse de la guerre en Europe Dans ces pages, je raconte des petits événements et des expériences vécues sur les combats que nous avons menés, du jour J en France, jusqu’à la forêt de Hurtgen en Allemagne. Ce sont aussi des notes personnelles sur ceux que j’aime, et sur des sujets dont on a peu parlé, c’est-à-dire le quotidien des soldats qui ont combattu en France, en Belgique et en Allemagne dans le 26e régiment de la 1re division d’infanterie américaine, la Big Red One. Je ne me souviens pas avec précision de tous les noms de villes et de villages, de toutes les dates, mais certains lieux et certains événements m’ont marqué. Beaucoup de ces souvenirs proviennent de notes prises au jour le jour, sur les pages d’un livre de prières de poche. La survie du fantassin doit beaucoup à l’artillerie, aux chars et à l’aviation. Il ne tiendrait pas le coup sans l’affection et le soutien moral de ceux qui sont restés à la maison. Peu d’anciens combattants parlent facilement de leur expérience de soldat, même encore aujourd’hui. Beaucoup vivent avec leurs tragiques souvenirs enfouis au fond d’eux. Nos proches et nos amis ne nous posèrent pas de questions à notre retour au pays, ils avaient pour consigne de ne pas nous interroger. « Aidez-les à oublier la guerre et à se réadapter le plus vite possible à la vie civile » leur avaient-on dit. La guerre ne s’oublie pas facilement, et chaque anniversaire ravive les souvenirs. Les vétérans qui reviennent à Omaha Beach, lors des commémorations, pleurent souvent au souvenir des évènements du jour J. Beaucoup sont encore en vie aujourd’hui, on vit plus longtemps grâce aux progrès de la médecine et à l’amélioration du niveau de vie. La plupart des vétérans ont environ quatre vingt ans aujourd’hui, leurs enfants ont la cinquantaine et il est surprenant qu’ils en sachent si peu sur le passé de leurs pères. Ils savent vaguement quels étaient leurs grades, qu’ils ont participé au Jour J et qu’ils ont combattu en Allemagne, mais c’est à peu près tout. Ma lettre de novembre 1984 au Quotidien de Liège, en Belgique, coïncidait avec le 40e anniversaire de la libération de la Belgique. Elle fut publiée dans le journal La Meuse et je reçus des centaines de lettres de remerciement à notre 1re Division, et à la 3e Division blindée pour avoir libéré le pays. C’est cette lettre et les nombreuses questions qu’on me posa qui me déterminèrent à écrire ces pages sur la guerre. En lisant ce récit le lecteur ne doit pas se faire une idée fausse de la guerre. Rien ne fut rapide, ni aisé ; les journées étaient longues et l’avance difficile. L’ennemi était enterré derrière les haies; parfois les combats d’une journée se résumaient à une avance de deux cent mètres. Il n’y avait pas de ligne de front continue face à l’ennemi, nous étions éparpillés et combattions par petits groupes de trois ou cinq hommes. Dès le jour J le régiment ne fût jamais à plein effectif ; les remplacements, les approvisionnements et les munitions ne parvenaient pas toujours jusqu’à nous. Le temps était changeant, il y avait des journées torrides, parfois la pluie rendait les routes boueuses, ralentissant hommes et véhicules. Il y eut quelques grandes batailles, comme celle de Saint-Lô qui dura tout le mois de juillet ; douze divisions participèrent à la prise de la ville. Après les bombardements aériens et les 20 000 obus tirés, cette magnifique cité de 15000 habitants n’était plus qu’un tas de ruines juste bonne à être nivelée par les bulldozers.
L’engagement, l’entrainement et la séparation… La fabrication d’un soldat commence avec le passage de la vie civile à la vie militaire, quand il s’engage ou qu’il est appelé sous les drapeaux ; du dernier jour passé avec sa famille et ceux qu’il aime, au moment des retrouvailles. Inscrit au conseil de révision en 1942, je passais les tests pour entrer dans les Marines, on me répondit que je serai convoqué pour une visite médicale. Quand je reçus la lettre, j’étais au lit avec un mauvais refroidissement, mon docteur me dit d’arrêter le traitement, en pensant que les traces de médicaments auraient disparues lors de la visite médicale à Milwaukee. Je fis partie de la petite quarantaine de ceux qui réussirent les épreuves de sélection, mais il fallait encore faire une analyse d’urine. Le médecin qui m’examinait me demanda quel traitement je suivais, je fus obligé de lui dire la vérité, il me dit : « je ne suis pas sûr de pouvoir vous envoyer en Californie où les journées sont torrides et les nuits glaciales, revenez dans un mois ». Alors que les semaines passaient, j’envisageais une autre solution. Harriet et moi en discutions, peut-être que le fait d’avoir trente cinq ans m’empêcherait d’être appelé. Nous allions déménager à Bay City dans le Michigan et nous en informâmes le bureau des effectifs. Une semaine après notre arrivée, nous étions tous les deux engagés par Dow Metal Company, une filiale de Dow Chemical qui travaillait entièrement pour l’armée en fabricant des pièces de moteurs d’avions et des trains d’atterrissage. Nous étions si préoccupés par notre travail chez Dow que le bureau des effectifs m’était sorti de l’esprit. Il se rappela à mon bon souvenir par un courrier, en septembre 1943. Ma feuille de route incluait le prix d’un billet pour Detroit. Plutôt que d’y aller en autocar je décidais de m’y rendre en voiture avec Harriet, ma sœur et deux autres amis. Nous étions sur la route numéro Neuf dans une région boisée près de Detroit, quand nous avons tous entendu un sonore « bang ». Je dis : « bon sang qu’est-ce que c’est que çà ? », Harriet désigna la vitre de son côté, un projectile l’avait transpercée; quelqu’un dans le coin chassait ou tirait sur des cibles. La balle était passée par ma vitre ouverte et avait traversé celle d’Harriet, heureusement sans toucher personne; Sophie dit : « ça n’était pas ton heure John ». Nous n’avons pas fait de déclaration à la police, j’avais une convocation et je ne voulais pas la rater. Je semblais passer tous les tests de ce long examen de santé avec succès ; le dernier médecin me dit : « à votre âge et avec vos varices, j’hésite, vous en sentez-vous capable ? », je répondis : « docteur, je n’ai pas d’enfant, et je crois que je peux être utile ». Il en prit note et signa les papiers. Je pouvais encore échapper à l’appel, mais je lui fis confiance pour prendre la bonne décision. Je ne réalisais pas à cet instant combien il me serait difficile d’être séparé d’Harriet, j’y repensais souvent plus tard, avec regret, mais je m’en remettais à Dieu pour m’aider dans les mois prochains. Mon dernier souhait était que mon corps ne soit pas ramené au pays. Dans le train qui me ramenait de Detroit, il y avait plusieurs compartiments occupés par des gars originaires de différents endroits du Michigan. On étaient sept de Bay City, parmi nous il y en avait un qui n’avait qu’un poumon, il en était à son troisième examen médical et avait enfin été accepté. Il y avait beaucoup de visages tristes dans le groupe. Le seul moment intéressant du voyage fut un arrêt du train en Georgie pour nous dégourdir les jambes. Je regardais les ramasseurs de coton travailler, le dos courbé sous le soleil, et je me demandais s’ils échangeraient leur place avec nous. Le train nous amena à Camp Blanding, en Floride, où nous allions suivre seize semaines d’entraînement de base. On arriva à midi, juste avant le déjeuner. On nous guida jusqu’au mess où un sous-officier nous accueillit, un petit homme qui hurlait : « répétez bon sang, répétez, répétez ! ». Il se présenta comme le sergent responsable du mess, « personne, ici, ne gâche la nourriture, vous mangez ce que vous prenez, bon sang de bon sang ! ». Je l’observais, il me semblait que s’il ne jurait pas comme ça tout le temps personne ne le remarquerait. Peut-être qu’il travaillait dans la cuisine d’un restaurant dans le Sud avant de s’engager. J’étais le plus âgé de la compagnie, certains me surnommèrent « Pop ». J’étais décidé à faire de mon mieux. Je ne me suis jamais fait porter malade alors que beaucoup, plus jeunes que moi, ne s’en privaient pas. Le 21 décembre nous étions sur-le-champ de tir, et j’étais dans la fosse depuis plus d’une heure. Il faisait chaud mais l’endroit était froid et humide, je suis tombé malade et je fus incapable de rentrer au camp à pied. On me ramena en Jeep et je n’ai pas pu assister au spectacle qu’il donnait ce soir là. Le lendemain matin je n’assistais pas à l’appel ; le sergent vint me voir et me demanda pourquoi j’étais couché, il me toucha le front, j’étais brûlant, aussitôt une ambulance m’emmena chez le médecin. Il était presque midi et la salle d’attente était pleine. Je me couchais sur le sol et personne ne me prêta attention. On m’appela vers 14 heures pour la consultation. Le docteur prit ma température et s’exclama : « pourquoi est-ce qu’on n’a pas envoyé cet homme aux urgences !». Je ne me rappelle plus de rien ensuite ; je me réveillais le 24 décembre, l’infirmière me dit que j’avais attrapé une bonne pneumonie. Ma température était monté à 41° C, « nous avons failli appeler votre famille » me dit-elle. Je fus très bien soigné, on me prescrit le vieux traitement efficace où l’on respire la vapeur d’un percolateur, avec une serviette sur la tête. L’entraînement de base me semblait parfois peu adapté, le manuel avait dû être écrit par quelqu’un qui n’avait jamais fait la guerre. A part apprendre à manier le fusil M 1, il était tout juste bon à faire des soldats d’opérette. Je doute qu’aucun des sous-officiers ait jamais participé à un combat. Est-ce que le but de l’entraînement était de savoir faire un lit au carré, de ranger chaque article à sa place dans l’armoire, de garder les baraques propres ? Est-ce qu’on s’entraînait pour savoir défiler et entretenir le foyer en bons petits maris ; on ne savait même pas comment creuser un trou pour s’abriter – le véritable entraînement commence face à l’ennemi, chacun utilise sa cervelle et son bon sens, personne ne s’occupe de savoir si vous portez une casquette, un casque ou si vous êtes tête nue.
La dernière permission et l’embarquement Après l’entraînement de base, on nous a accordé une permission de sept jours ; le temps de trajet était inclus dans la permission. Je profitais de chaque instant avec Harriet, mais nous n’avons pas eu le temps d’aller voir papa et maman dans le Wisconsin, ma permission était trop courte ; le moment du départ fut déjà là. De retour à Camp Blanding on se prépara à partir pour Boston, puis pour le Maine pour l’entraînement d’hiver afin de nous habituer au changement de climat. Du Maine, nous sommes partis pour New York pour quelques semaines, où nous avons attendu l’embarquement. Nous étions contents de partir, enfin ! On a embarqué sur un gros bateau de transport, le chargement a duré plusieurs jours; puis on a levé l’ancre à destination de l’Angleterre, on a fait nos adieux à Miss Liberty alors que New-York s’éloignait. Je reconnus d’autres gars du camp parmi les 15000 hommes à bord, et je me demandais si on se reverrait jamais ensuite. On nous servait deux repas par jours, je n’en manquais pas un seul, certains étaient incapables de sortir de leur lit et je leur ramenais à manger. Je collectais de l’argent et je faisais les courses, parfois deux trajets par jour pour ramener des cigarettes à quatre vingt dix cents la cartouche, et des barres de friandises à soixante cents la boîte de vingt quatre. On se demande comment des milliers d’hommes passaient leur temps à bord d’un bateau. Certains jouaient au poker ou aux dés, les parties duraient jusque tard dans la nuit, ils faisaient la sieste dans la journée. De temps en temps, un groupe montait sur le pont pour faire des assouplissements et des exercices pendant une dizaine de minutes. D’autres ne faisaient rien de la journée, fumant des cigarettes, et réalisant de surprenantes figures de fumée. D’après une plaque sur la cloison du premier pont, le bateau s’appelait le USS Washington ; c’était auparavant un bateau de passagers qui sillonnait les mers d’Orient. C’était le bateau de tête d’un convoi de cinquante huit navires. J’étais fasciné par l’océan et je passais des heures, nuit et jour, debout au bastingage, à regarder les longs et plats pétroliers monter et descendre comme des bouchons. A certains moments le bateau était complètement submergé puis reparaissait de nouveau. Je me demandais comment un homme pouvait rester sur le pont et résister aux énormes vagues qui déferlaient. Avec un convoi de cinquante neuf bateaux il y avait de quoi regarder. Un matin on croisa un groupe de marsouins; ils bondissaient hors de l’eau et replongeaient. Un jour je crus voir un périscope de sous-marin tout près de notre bateau, fausse alerte. Un autre jour on nous prévint par l’intercom : le Queen Mary était en train de traverser notre convoi, tout le monde se précipita sur le pont pour admirer ce splendide navire, il n’était pas escorté et avançait beaucoup plus rapidement que nous. Il était si proche qu’on voyait les hommes à bord nous faire des signes. On apprit par la suite qu’il y avait 25 000 hommes à bord et qu’on y servait un seul repas par jour. La mer était tantôt agitée, tantôt calme. Le premier dimanche à bord, nous ne savions pas où nous étions, mais c’était une belle journée ensoleillée par une mer d’huile. Un prêtre dit un office aux hommes, nombreux, rassemblés sur le pont, d’autres profitaient juste du soleil et se reposaient. Je remarquais que le calice sur l’autel ne tanguait pas, c’était une journée particulièrement calme. On était périodiquement informé par l’intercom du changement de fuseau horaire, et qu’il fallait mettre nos montres à l’heure. Au dixième jour de traversée, la terre réapparut enfin, nous passions en vue de l’île de Man sur la côte irlandaise.
L’Angleterre, les bombardements allemands Les habitants nous regardaient passer en faisant des petits signes de la main. Notre bateau accosta dans la soirée à Liverpool. On passa la nuit et toute la journée du lendemain sur le bateau ; le soir suivant on débarqua dans un épais brouillard, on n’y voyait pas à cinquante mètres. On traversa les voies jusqu’à un train qui nous attendait. Les wagons avaient de petits compartiments avec deux banquettes face à face pour six personnes, pas de place pour s’allonger. On s’installa pour la nuit ; le son des sifflets et le bruit « clicketyclack » des roues sur les rails nous signifiaient déjà qu’on n‘étaient plus chez nous. On ne pouvait rien voir à l’extérieur car les fenêtres étaient passées au noir. Tout le monde était fatigué, on s’assoupit, perdant la notion du temps. Le train s’arrêta à l’aube dans un village de campagne, on descendit pour attendre des bus. Bien que chaudement habillés, avec nos vêtements de laine et nos blousons coupe-vent, on sentait l’humidité glacée de l’île. Les habitants sur les trottoirs nous regardaient passer, en nous faisant des petits signes de la main. Nous étions le 3 mars et les géraniums étaient en fleurs. Les maisons de pierre et de briques étaient pittoresques. Le printemps était précoce, tout était somptueusement vert, le lierre grimpait aux façades des maisons, s’accrochant aux murs grâce à de petites ventouses. Après un assez long voyage, nous sommes arrivés à Camp Hidden ; il avait été installé par les hommes du génie, des noirs, qui étaient arrivés bien avant nous. Il était situé sur les terres de riches propriétaires qui vivaient dans un manoir de quarante pièces dont le gazon était impeccablement entretenu. Un grand troupeau de moutons était gardé par des bergers ; on se demandait comment ils tondaient de telles surfaces d’herbe. On nous installa dans de grandes tentes qui pouvaient abriter huit à dix lits. Les allées étaient gravillonnées et des panneaux rappelaient fréquemment l’interdiction de marcher sur le gazon. La pelouse ôtée des allées était proprement stockée, pour être remise en place un jour prochain. Des tranchées avaient été creusées entre les tentes, on ne savait pas trop à quoi elles servaient. Les seuls bâtiments en bois étaient au centre du camp, c’étaient les latrines ; même pour y aller il fallait rester dans les allées, interdiction de prendre des raccourcis. Tôt le matin, on voyait des hommes charger les bidons d’excréments sur une carriole plate avec des roues de vélo ; ils les vidaient dans un puits creusé exprès. On ignorait comment étaient choisis les hommes pour cette corvée, mais on l’a vite découvert. Les tire au flanc qui se faisaient porter malades, pensant être mis au repos à effectuer des tâches légères, se sentaient rapidement mieux après une journée de ramassage de fûts de quarante litres de m… Le camp était surveillé par deux hommes à cheval qui vérifiaient que tout était en ordre et conforme aux désirs du propriétaire, et du Gouvernement américain. Simoni, originaire du Michigan, était asthmatique et se faisait fréquemment porter malade ; je crois qu’il a passé plus de temps à la section des latrines que n’importe qui. Je ne me suis jamais fait porter malade, j’aurais préféré mourir plutôt que d’être consigné à ce genre de tâche. Heureusement, on n’a pas recommencé l’entraînement de base, on faisait des exercices, on se maintenait en forme et on se familiarisait avec les armes. On était de plus en plus prêt à l’action. On découvrit enfin à quoi servaient les tranchées, quand des avions allemands survolèrent le camp la nuit de la Fête des mères. On a plongé dans nos trous. Les bombardiers allemands passaient toujours à la même heure de la nuit. La plupart repartaient, leur mission accomplie, mais beaucoup n’eurent pas autant de chance et furent abattus. On regardait le spectacle depuis les tranchées; les Anglais les attendaient avec de puissants projecteurs qui striaient la nuit de leurs faisceaux; ils prenaient un avion pour cible et l’abattait. Il y en a un qui atterrit près du camp. On s’enthousiasmait comme des gamins en voyant chaque avion descendu en flammes.
L’Angleterre, puis l’embarquement à Southampton J’étais affecté définitivement à la 1st US Infantry Division, 26th Infantry Regiment, B Company. Le dimanche, il n’y avait nulle part où aller ; à deux kilomètres de la route il y avait une espèce de cantine où deux vieilles dames vous servaient un beignet et une tasse de thé sans sucre ; pas de musique, rien pour s’amuser, nous pouvions y écrire une lettre qu’elles expédiaient pour nous. Un jour, mon nom et celui d’un autre furent tirés au sort pour un week-end à Londres. Tôt le matin suivant, on est allé chercher notre laissez-passer, on nous annonça que le voyage était annulé ; à la place, on nous accorda une permission de 24 heures dans la ville la plus proche. Muni d’une petite somme on a pris le bus pour Swindon, une ville moyenne. Une fois sur place, on a réservé une chambre d’hôtel, puis on est parti découvrir la ville. C’était une expérience inhabituelle de déambuler dans les étroites ruelles pavées du quartier commerçant. Les « boutiques à cinq ou dix cents » ressemblaient beaucoup à celles de chez nous vingt-cinq ans plus tôt. Il y avait surtout des magasins d’articles de première nécessité. On est entré dans une boutique de sucreries, on était les seuls clients, et désignant les bocaux sur le comptoir de verre on a demandé des « haricots en gelée » ; la vendeuse nous a demandé nos tickets – sans tickets, pas de sucreries. On a acheté des cartes postales et un journal à trois cents ou un trupence. Les boutiques fermaient tôt le soir, on se demandait à quoi la ville ressemblait à la nuit tombée. Je discutais avec les gens dans la rue juste pour entendre l’accent « british ». Je demandais à un homme qui était ouvrier combien il gagnait, il me répondit fièrement dix huit dollars par semaine pour cinquante heures de travail. Je n’eus pas le cœur de lui dire que c’était ce que je gagnais en une journée! La nuit, il faisait très sombre, tout était passé au noir et le calme régnait. Mais il y avait du monde dans les rues, on entendait les rires de femmes et de soldats noirs du génie qui étaient basés dans le coin. Brusquement les sirènes d’une alerte aérienne retentirent et tout le monde se précipita aux abris ; ils étaient interdits aux militaires, on a essayé d’aider les autres à s’abriter. Une bombe allemande V1 isolée s’écrasa à quelques blocs de là, détruisant un quartier entier. Les pompiers et les ambulances arrivèrent rapidement sur les lieux malgré la pénombre. Les Anglais étaient entraînés à tout et réagissaient rapidement à chaque fois de la meilleure façon. C’était la première fois que nous étions confrontés à un V1, c’était effrayant. Tard dans la nuit, nous sommes rentrés à l’hôtel, une jeune fille charmante entra pour nous apporter des serviettes et nous demanda : « à quelle heure dois-je vous réveiller ? », Pete me regarda d’un œil interrogateur, « je crois qu’elle nous demande seulement à quelle heure elle doit nous apporter nos beignets et notre thé, ne te fais pas d’illusions ! ». La nuit d’hôtel coûtait quatre dollars, soit une livre, généreusement on lui a laissé un dollar de pourboire. Ce voyage nous avait distrait de la vie du camp, on avait côtoyé des gens qui avaient, eux aussi, leurs problèmes quotidiens. Un soir, à la fin du mois de mai, l’heure du spectacle fut avancée d’une heure, ce fut le meilleur depuis trois mois qu’on était au camp ; ensuite, le premier sergent appela vingt noms, le mien en faisait partie, on nous ordonna de faire notre paquetage et d’être prêts à partir pour 18 heures ; on était réaffectés à un autre camp situé à 25 kilomètres. Dans le car on nous apprit que c’était dans un camp britannique. Arrivés là, on a été accueilli par un officier qui fit l’appel de nos noms d’après une liste. Ensuite on nous demanda si on avait mangé, bien sûr on répondit en chœur : « non, monsieur ! ». On nous dirigea vers la cantine accompagnés par un sergent. Il était environ 21 heures, le réfectoire était déjà nettoyé et on nous installa à la première table près de la cuisine. Le sergent se présenta et nous informa qu’il était responsable du mess. Il nous dit : « prenez tout ce que vous voulez mais vous avez intérêt à tout manger ! ». On prit un plateau et des couverts, le cuisinier avait la plus grande louche que j’ai jamais vue, il la remplit et la retourna sur nos plateaux, « c’est tout ! » dit-il, on se regarda, cherchant en vain un morceau de pain, quelques boulettes de hachis de viande, une tasse de café ou de thé. Personne ne se plaignit et, avec le sergent planté à coté de nous, on a vidé nos assiettes de choux rouges. On a eu de la chance que le réfectoire était déjà lavé; on aurait pu nous demander de le nettoyer à nouveau. J’aurais aussi pu dire que je n’avais pas faim, mais je préférais mentir avec les autres. Une fois terminé notre repas, on nous a indiqué nos couchettes. Le nouveau camp ressemblait beaucoup au précédent mais en beaucoup plus grand. Il y avait de grandes tentes et les baraques du mess étaient en bois. Le deuxième jour de notre arrivée on a été rassemblé sur une immense place, on était des milliers alignés. Les officiers, juchés sur une plate-forme centrale, utilisaient une corne pour nous guider vers plusieurs zones, où nous attendaient d’autres officiers ; chaque officier était désigné par une lettre A-B-C-D-E ou F. Nos noms et nos numéros de matricule étaient appelés, et une lettre de A à F nous était attribuée nous indiquant notre emplacement, puis l’officier vérifiait notre nom sur sa liste. Je ne reconnus personne du camp précédent dans mon groupe, j’étais affecté définitivement à la 1st US Infantry Division, 26th Infantry Regiment, B Company. Pendant notre séjour au camp, nous avons fait plusieurs exercices d’entraînement. On nous appelait à toute heure du jour et de la nuit avec le paquetage complet et le sac de couchage ; on embarquait dans des camions qui nous conduisaient au port de Southampton. On faisait quelques tours puis on rentrait. Nous savions qu’un jour ce ne serait pas un exercice mais le vrai départ ; mais pour l’instant personne ne savait quand.
La France, D-Day La nuit du 4 au 5 juin 1944 nous étions couchés tout habillés, comme on en avait reçu la consigne, paquetage prêt. Je ne sais plus quelle heure il était mais un bruit puissant, au-dessus de nos têtes, nous réveilla. On se précipita dehors, il faisait une nuit noire et on entendait, sans les voir, les avions qui passaient dans le ciel. Les vibrations étaient si fortes qu’on les ressentaient jusque dans nos os. L’appel du rassemblement retentit, nous savions que cette fois ce n’était pas un exercice. On grimpa dans les camions, qui nous emmenèrent au port. Il y avait deux fourgons de la croix rouge et des jeunes femmes nous accueillirent, elles distribuaient des beignets et du café chaud. J’entendis le type devant moi demander : « combien on peut en prendre ? », l’infirmière répondit : « prenez-en autant que vous voulez ! », et à voix basse elle lui conseilla d’éviter d’en manger. Je me souvins des traversées sur le lac Michigan, et jamais je ne prenais de beignets ! Je demandais du café et un peu de sucre. Sur le bateau on choisit une couchette. Il régnait un calme inhabituel, pas de plaisanteries ni de conversations animées. On ne savait pas quand on allait lever l’ancre, on ne nous donnait aucune information car personne ne savait rien. Je m’étendis sur ma couchette et fermais les yeux, mes pensées allaient vers Harriet, et un vrai lit. Au lever du jour, j’entendis des copains dire qu’ils n’avaient pas fermé l’œil. On passa encore une journée entière à bord, le bateau était encore à quai au soir du 5 juin. On nous avait donné un sac de papier doublé, on devinait à quoi il servait, pas besoin de nous le dire. Le bateau prit enfin la mer dans la nuit, cette fois on comprit où on allait. A l’aube, on découvrit la mer recouverte de navires de toutes sortes. Il y en avait un, énorme, marqué d’une croix blanche. La mer était déchaînée, les hommes vomissaient ; certains n’avaient pas le temps de prendre leur sac. Le chemin pour monter dans les barges était un peu glissant, c’était à rendre malade mais j’ai évité de vomir. On étaient quarante ou soixante, debout, dans la péniche qui filait vers la plage. C’était l’enfer, des milliers de canons tiraient des navires sur la côte, et de la côte sur nous. Le ciel était rempli de bombardiers qui lâchaient leurs projectiles ; on voyait des bateaux, touchés par un obus, couler en quelques minutes. L’un, à moitié submergé, avait un drapeau et des marquages polonais. Le nôtre ne fut pas été touché, mais dès qu’on atteignit la plage on se heurta à des obstacles d’acier en forme de croix, il fallait les franchir et on espérait qu’ils n’étaient pas minés. On débarqua sur la plage, à moitié en nageant, en tenant nos armes au sec au-dessus de nos têtes. Certains, de plus petite taille, avaient de l’eau jusqu’à la poitrine, ils avaient besoin d’aide. A un moment, sans le réaliser immédiatement, je vis la moitié d’un corps, flottant dans l’eau, mais pour la grâce de Dieu, moi, j’étais encore entier. A ma droite, il y avait des fusils et des équipements entassés. On était cloué par le feu de l’ennemi. Les tirs venaient de plusieurs blockhaus, des masses de béton de deux mètres d’épaisseur avec des meurtrières qui crachaient le feu. Nos bombardiers les ébranlaient et forçaient l’ennemi à les évacuer, on n’avait plus qu’à les recevoir à coups de fusil. Il nous a fallu plusieurs jours pour atteindre le premier village. Je crus que c’était Cherbourg, il y avait les corps de plusieurs de nos gars, tués, dans les rues. Il fallait combattre maison par maison à la recherche de l’ennemi ; et ce fut comme ça à travers toute la Normandie. Avec la chaleur de ce 7 juin, nos uniformes mouillés séchèrent rapidement, mais ce n’était pas ce qui nous préoccupait le plus. L’ennemi était partout, éparpillé par petits groupes, parfois un seul homme, des soldats sacrifiés qui nous tiraient dessus pour nous retarder. On progressait enfin vers l’intérieur, accrochés à nos tanks ; en passant à proximité d’un bâtiment en bois, des femmes accoururent vers nous en hurlant, un char allemand avait tiré sur l’école et tué plusieurs enfants ; une autre femme me tendit deux bouteilles de vin qu’on se partagea avant d’entrer dans le village. Juste après avoir traversé un pont, on aperçut le blindé allemand embusqué derrière une maison ; les nôtres l’arrosèrent d’obus, les Allemands évacuèrent le tank sous notre feu, je crois qu’il y en a un qui s’est échappé. Un matin, on vit un vieil homme sur une colline qui nous fit signe d’arrêter. Il nous raconta qu’un officier allemand ayant été retrouvé mort, et le responsable n’ayant pas été arrêté, les Allemands avaient fusillé tous les habitants. Une femme, serrant encore son bébé, était allongée dans la rue, morts tous les deux, un autre enfant de trois ans tué à côté. Le vieil homme nous indiqua le clocher d’une église où une mitrailleuse allemande était postée, nos chars l’incendièrent. En s’approchant, on vit un prêtre et plusieurs femmes qui transportaient des objets, arrachés à l’église en feu. Ils nous acclamaient en faisant des signes, on ne faisait pas feu volontairement sur les églises, mais l’ennemi s’installait souvent dans les clochers. Dans un autre village, deux d’entre nous s’approchèrent d’une grande église dont le toit était détruit, et n’en crurent pas leurs yeux : un prêtre donnait une messe dans les ruines ; je m’agenouillais et je sortis.
La France, le goût du cognac J’étais abrité derrière un muret de pierre, dans un bourg, quand une petite fille accourut vers moi sortant d’une chaumière en pierre. Elle arriva en martelant le sol avec ses sabots, j’avais mon dictionnaire de poche à la main pensant que j’allais en avoir besoin. Elle me toisa de sa petite taille et me demanda pourquoi j’avais trois grenades ; à ma grande surprise, elle parlait en anglais. Je lui répondis que j’en porterais plus si elles n’étaient pas si lourdes sur ma poitrine. Je lui demandais où elle avait apprit à parler anglais et elle me répondit qu’à l’école catholique tout le monde l’apprenait. Elle dit qu’elle avait dix ans et qu’elle était en cinquième année. Elle me dit aussi qu’on avait enseigné aux enfants ce qu’il fallait faire quand ils trouvaient une grenade, américaine ou allemande. Je lui demandais son nom et son adresse et je promis de lui écrire si je le pouvais. On remonta sur les blindés et on repartit. Juste après avoir quitté le village, une quinzaine de gosses qui étaient au bord de la route nous firent des signes, on stoppa pour discuter un moment avec eux. Barubie était le seul qui parlait français, on écoutaient sa traduction. Après cinq minutes les chars se remirent en route. Barubie était encore penché, serrant des petites mains, quand une grenade se décrocha de sa poitrine tombant sur le sol au milieu des enfants. On est resté pétrifié, trop tard pour sauter, Barubie hurla en français : « attention explosifs ! ! ». On vit un enfant la ramasser et les autres se rassembler autour. Barubie suppliait à haute voix : « Seigneur, ne laisse pas faire ça ! ». Nos prières avaient été entendues, Dieu merci, car on n’entendit pas d’explosion. Il faisait une chaleur torride cet après-midi là, on traversait un gros bourg. On s’arrêta pour une pause, je m’étendis sur l’herbe devant une église. Une femme cria et je vis un prêtre qui se penchait vers moi, il tendit une tasse vers mes lèvres ; j’avalais une gorgée et je mis à tousser et à cracher. Le prêtre sourit et dit « Cognac » ; je hochais la tête et lui demandais de l’eau, montrant ma gourde vide ; il la prit et la ramena pleine. Je dû courir pour rattraper la compagnie qui était déjà repartie, je leur fis un signe d’adieu et leur criais « merci ». Je pensais au Christ auquel on donnait à boire. En progressant, un jour, comme un vol de corbeaux, on passât devant une vieille maison de pierre. A la porte, une femme tenait une large miche de pain dans une main, et un couteau dans l’autre. Elle découpa maladroitement une tranche et étala dessus du saindoux qu’elle prit dans un pot, et nous la tendit. Cela faisait des mois qu’on avait pas mangé du pain, il avait le même goût que celui que maman faisait cuire, le saindoux était meilleur que le beurre d’après ce que je me souviens. Une autre fois, alors qu’on traversait un bourg, fouillant chaque maison à la recherche de l’ennemi, Eddie et moi on entra dans une petite maison, elle était vide mais sur la table il y avait un repas non terminé : de la viande dans une assiette, du pain et deux petites tasses de cognac. On s’assit pour finir ce que l’ennemi nous avait laissé en fuyant. Je ramassais les deux petites tasses que j’ai pu ramener chez nous. La mère de Marcia les trouva si jolies, que Harriet demanda à ce qu’on les lui donne. Elle nous dit plus tard qu’elle racontait souvent aux amis mon histoire de la maison française, en montrant les petites tasses.
La France, la lueur rouge de la bombe volante Je ne sais pas pourquoi on les appelait terriers de renard, est-ce qu’un renard creuse son terrier ? Je l’ignorais mais je savais le pourquoi et le comment d’un trou. Quand nous étions en Floride, on ne pouvait pas creuser de trou, car à trente centimètres de profondeur on tombait sur du sable blanc et de l’eau. Mais ensuite, en Europe, on en a creusé des trous, parfois jusqu’à trois dans la journée, sans toujours les utiliser. Creuser était une question de vie ou de mort, on était plus en sécurité à un mètre sous le niveau du sol qu’au-dessus sous le feu ennemi ; les Allemands creusaient aussi beaucoup. Quelle était la meilleure méthode ? Certainement avec la pelle de campagne que certains d’entre nous portaient sur le sac à dos, et que d’autres regrettaient d’avoir abandonnée, ou avec la fourchette et le couteau de la gamelle, et quand vous aviez vraiment peur vous creusiez avec vos mains, cela nous est arrivé quelques fois. Parfois, il fallait creuser sous le feu ennemi, et même pendant la nuit si on devait rester là jusqu’au lendemain. Plutôt qu’à des renards on ressemblaient à des taupes. A de nombreuses reprises on est tombé sur des trous creusés par les Allemands, on les occupait parfois pour une nuit. Une fois, Eddie Miller et moi on en a trouvé un, profond de deux mètres, assez large pour que deux hommes y rampent et s’y tiennent allongés, mais on ne pouvait pas bouger et le sable tombait sur nos visages. Parfois, avant d’utiliser un trou conquis, il fallait en extraire les cadavres ennemis. Une fois, on est resté cloués dans le même trou par le feu ennemi pendant onze jours. On avait traîné un corps à proximité, la puanteur était si forte que j’ai sacrifié mon unique imperméable pour le recouvrir. Imaginez l’odeur, coincés pendant onze jours, sans prendre une douche ou simplement enlever ses chaussures. Creuser un trou dépendait de la nature du terrain, des circonstances et du temps que l’on passait au même endroit. Le trou était un abri contre les éclats de mortier et les balles de mitrailleuses; c’était souvent une question de survie, mais il pouvait parfois se transformer en tombe. Le mieux, c’était le trou pour deux hommes d’un mètre de large, on se sentait en sécurité. Les Allemands creusaient des trous comme ceux là, on leur en étaient reconnaissants – enterrés avec une bonne prière… Un deuxième lieutenant qui n’osait pas sortir du sien est resté plusieurs jours sans rien manger. Dans cette région, on venait de rebrousser chemin sur deux kilomètres pour trouver un camion cantine et ramener des rations. On creusait le long d’une haie, car on devait faire face à une contre attaque de chars allemands. C’était la canicule, tout le monde se mit à creuser un trou profond, je n’avais pas de pelle et j’utilisais mes couverts de campagne. Heureusement le sol était argileux et on retirait la terre par couches. En une heure, chaque homme avait creusé un trou assez large et profond pour s’y accroupir. On était prêt à sauter dedans au premier bruit de tank. Jusqu’à quel point étions-nous en sécurité? C’était mieux que rien face à une attaque de blindés faisant feu de leurs mitrailleuses. Heureusement, la contre attaque allemande ne s’est pas produite, et nous sommes restés là pendant huit jours. Par contre les avions allemands savaient que nous étions là, et chaque jour vers midi plusieurs chasseurs nous mitraillaient volant en rase motte. Je n’oublierais jamais le bruit des balles qui frappent le sol, car les avions passaient si bas qu’on pouvait voir le pilote et le mitrailleur. Le troisième jour, tout le monde s’est mis à tirer sur eux. Le cinquième jour, on a assisté à un combat à mort entre un de nos chasseur et un avion allemand.